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Fabrique des vulnérabilités – néolibéralisation des sujets

Oui – une conversation me fait apparaître la lucidité de cette vue : les vulnérabilités qui s’expriment, dont celles qui réclament, en particulier chez les jeunes, sont à comprendre dans leur genèse. Leur explication, dans leur formation. Réactive aux mots d’ordre qui déplacent la charge de la responsabilité des pressions matérielles des employeurs sur les travailleurs : non pas une pression s’exerce, mais le sujet pressuré est trop fragile.

Formes de ces projections, déflections : soigner les sujets, les enjoindre de s’auto-améliorer, auto-former, autant que de s’auto-soigner, se pathologiser (burn-out), se plier aux méthodes de détente et thérapies. Se vivre comme vulnérable, devant de grandes méchantes forces anonymisées, des Surmoi “systémiques” – le “systémique” des analyses actuelles du racisme est marqué par cette invisibilisation des acteurs de la domination, et de la manipulation généralement ; captation d’agence et incapacitation des autonomies.

Eva Illouz décortique plusieurs câbles de ce système opératoire, à observer en effet, à guetter, du côté des inscriptions mystiques et psychosociales. La thérapie au bonheur, self-improve, self-care etc. En organisation industrielle et distribution marketing vaste. Les industries des réponses aux vulnérabilités – des sujets. Renvoyées à la charge (et alors à la consommation !) des sujets. Mots d’ordre de la responsabilité.

Le thème du care, qui anticipe ces développements plus récents : peut se relire dans cette évolution. Pas seulement en tant que concept de détotalisation, efficace sur des sciences sociales (ou idéologies de politique sociale) qui ont en commun d’aveugler l’organisation économique de ce travail de reproduction dans la théorisation, et les budgétarisations, de la production. Cette valence supplémentaire, dont on perçoit mieux la raison d’être maintenant qu’elle est éclairée par les développements voisins et liés.

Les psychologies contemporaines (vies et expressions psychiques, modes contemporaines de la subjectivité ; comment on porte la subjectivité et sur quelles bases de compréhension du sujet se font les exigences, réclamations, participation aux rapports sociaux) : à remplacer dans ces parcours de sens.

Les allergies, les déclarations de “tiers-temps” dans le cadre universitaire par exemple, les déclarations de troubles anxieux ou autistes, les infirmités dans leurs formes nouvelles, et leurs aménagements pratiques dans les institutions et rapports sociaux : euphémisées dans la logique de l’inclusivité, mais c’est aussi promues, dans celle de la culture de la vulnérabilité.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Claire Joubert (9 octobre 2023). Fabrique des vulnérabilités – néolibéralisation des sujets. Ce que fait un angliciste. Consulté le 25 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/na2j


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