Matérialisme de Weber : réalisme

Le matérialisme de Weber est (aussi, au moins) un réalisme. Les dernières pages du Politique sont frappantes, et d’un coup apparaît le profil d’une histoire allemande du pouvoir et des sciences du pouvoir. Évocations de Bismarck, Ratzel, Realpolitik, Machtpolitik, Reich. Autoritarisme.

“Le diable est vieux, ” … [“forces diaboliques”, qui sont celles de la politique comme action de la violence] Ce n’est pas l’âge qui est en cause, mais toutefois le fait d’avoir appris à regarder en face, sans ménagement, les réalités de la vie, et la capacité à supporter ces réalités et à les affronter sur le plan intérieur. 203

Sachlich éclairé un peu autrement alors. La politique est donc un des “ordres de vie” déterminants dans la sociologie de Weber : elle marque la limite, ou le type, pôle, du matérialisme. Responsabilité, âge (203, avec quelque animus), conséquences. Elle fait aussi basculer globalement la valeur de la déflation critique, parfois polémique (ici nettement, sur en particulier le sens de la guerre et de l’après-guerre, et la pression contemporaine des gauches allemandes et de la Révolution de 1917), qui anime la sociologie de Weber : l’ingrédient d’autoritarisme (et de “tragique“, jusqu’aux “forces diaboliques”) dans la matérialisation du sens social.

Valeur de la critique de Weber. Ce qui n’empêche en rien sa puissance.

(Il y a aussi un enjeu autour de la “réification”, pour l’analyse de la modernité, dont IK avertit dans une note. Je n’en sais pas plus. Versachlichung, travaillée par C Colliot-Thélène.)

C’est à rapporter alors au couple matériel / idéel. Comme sont rapportés en fin d’argumentation dans la conférence les éthiques politique et religieuse, responsabilité et “foi” ou “conviction” ou tout le pan de questions de la théodicée (i.e. révolution et socialisme communisme spartakisme, de même que pacifisme, et al.) Quelle doctrine quel sémantisme quels intellectuels organiques pour un “ordre de vie” de la “conséquence” maximale ? Leurs figures sont celles du chef et du charisme, rapport personnel. La politique sans le social ? (“prolétarisation intellectuelle” des partisans dans la discipline du chef/parti, et prébendes).

Le politique comme “ordre de vie” – gain critique majeur de le saisir sous cet aspect, et de le matérialiser. Mais alors la question de la représentation , et du législatif, et de l’articulation du social au politique ?

Encore un coup de l’âge – et la notable apparition du plan du “point de vue humain” et de “l’équilibre intérieur” (on voit les sujets d’un dedans, rare il me semble chez Weber, et IK avertit qu’il y a un enjeu personnel de l’expérience politique malheureuse de Weber – dimension et incidence ? Plus loin, 205, “voir ce que seront ‘devenus’, au sens intime du mot, ceux d’entre vous qui ont l’impression aujourd’hui d’être d’authentiques hommes politiques de ‘conviction’ et qui participent à la griserie que représente cette révolution” ) : “des fanfarons”, “qui  se grisent de sensations romantiques“, “cela ne me bouleverse pas” – “Il est extrêmement bouleversant en revanche d’entendre un homme mûr, peu importe qu’il soit jeune ou vieux quant au nombre d’années, qui éprouve réellement [cf supra “passion” différenciée de “passion authentique”] et de toute son âme cette responsabilité pour les conséquences et qui agit selon l’éthique de la responsabilité, dire à un moment quelconque : ‘Je ne peux pas faire autrement, je m’arrête ici.'” [Luther devant le Reistag à Worms].

Alors il faut examiner : maturité et sociologie. Sociologie à construire comme maturité, responsabilité, travail des conséquences. (Ou bien laisser la sociologie dans l’ordre de vie savant ?)